Texte de la vidéo – Saint Méen 1/4

Bonjour, c’est Lize.
A la fin de la dernière vidéo sur Samson de Dol, sainte Anne s’apprêtait à traverser la forêt de Brocéliande pour rejoindre Patern de Vannes et elle comptait s’arrêter en chemin chez saint Méen (appelé également Mévenn, Mewenn en breton, Mewan en anglais, Meuennus en latin). Elle suivait ainsi la route que ce dernier avait empruntée lorsque Samson l’avait envoyé à Vannes en mission diplomatique.
On sait peu de choses sur la vie de Mévenn. Curieusement, d’ailleurs, car il a laissé une forte empreinte dans les traditions et noms de lieux en Bretagne.
En ce qui me concerne, j’ai l’impression de le connaître depuis toujours. Ma mère m’a raconté, et quelques rennais se le rappellent peut-être, que dans les cours d’écoles, quand on voulait insulter un copain, on lui conseillait d’aller se faire enfermer à Saint-Méen ! Car c’était l’hôpital psychiatrique de Rennes, aujourd’hui Centre Hospitalier Guillaume Régnier car on ne dit plus « l’asile des fous ». En anglais, l’expression est plus douce, il me semble : « lunatic asylum » Cependant la réalité ne devait pas être plus douce pour autant.
Quel est le lien entre saint Méen et la psychiatrie ?
Comme nous le verrons, Mévenn fait partie des saints guérisseurs. Les sources qu’il avait fait jaillir avec son bâton et les fontaines qui portaient son nom avaient la réputation de guérir les maladies de peau : eczéma, maladies du cuir chevelu et surtout le « mal saint Méen », une sorte de lèpre ou de gale, un truc affreux qui rongeait les chairs jusqu’à l’os, en particulier sur les mains. Il semble qu’on ait assimilé saint Méen « M-é-e-n » avec la main « m-a-i-n ». Or les maladies de peau devaient être virulentes au Moyen-Âge et la médecine peu efficace car les pèlerinages furent nombreux, en particulier à la « maison mère », je veux dire à l’abbaye de Gaël, fondée par Mévenn dans la forêt de Brocéliande. Ce pèlerinage était le plus fréquenté de Bretagne. Les pèlerins venaient de régions parfois très éloignée en France et en Europe et souvent faisaient une halte à Rennes.
A l’origine, le principal lieu d’accueil à Rennes était la Maison Dieu Saint-Yves fondée en 1358 sur les quais de la Vilaine. On y donnait le gîte et la pitance pour une nuit. On a retrouvé un registre dans lequel ont été notés les hébergements entre février 1650 et avril 1651. Durant cette période on compte 2867 passages.
Bientôt, l’hôpital Saint-Yves fut saturé, il ne suffisait plus à abriter les pèlerins se rendant à la fameuse fontaine aux vertus curatives.
En 1627, Guillaume Régnier, fils d’un conseiller au Parlement de Bretagne, acquiert des bâtiments appartenant à l’abbaye Saint-Georges de Rennes.

Il crée au Tertre de Joué, à l’est de Rennes, une nouvelle halte d’hébergement pour une nuit ou deux, le temps pour les pèlerins de reprendre des forces avant de se remettre en route. Or certains étaient affaiblis par l’épreuve du trajet et ne pouvaient repartir après ce délai, certains même mouraient. C’est ainsi que le « petit Saint-Méen » est devenu un hôpital.
Selon Adolphe Orain, dans son livre « Le Pays de Rennes », au chapitre « Canton Sud-Est »,

« Le nombre des passants qui s’arrêtaient au Tertre de Joué atteignit 1 200 la

première année et bientôt dépassa 5 000. »
En 1725, l’hôpital admet les premiers aliénés.
Quand en 1852, il est acquis par le département, il prend le nom officiel d’« asile départemental d’aliénés d’Ille-et-Vilaine.
C’est en 1996 qu’il est renommé « Centre Hospitalier Guillaume Régnier ». Le nouveau nom ne fait plus mention du saint guérisseur ni des aliénés, et on oublie peu à peu notre Mevenn (sauf dans la mémoire de quelques rennais comme je vous le disais), mais saint Méen et ses fontaines ont acquis la réputation de guérir la folie.
Je n’ai pas pu m’assurer de l’efficacité de l’eau curative (au moins sur les petites dermatoses ☺ ) car, comme je vous l’ai dit dans une vidéo courte, quand j’y suis allée, il n’y avait pas d’eau, sinon j’y aurais bien trempé les mains… ou les pieds !

Bon, revenons à notre ami Mévenn.
Il est né au Pays de Galles comme ses collègues saints fondateurs. Probablement vers 520, mais en ce qui le concerne, la chronologie est particulièrement floue, voire carrément incohérente. En tout cas, il a eu une enfance de petit saint. Dom Lobineau écrit : « rien de volage ni de déréglé dans sa jeunesse. Et dès lors, maître absolu de ses passions et supérieur à toutes les tentations de plaisirs et de vaine joie qui corrompent presque tous les jeunes cœurs, il ne prenait de divertissement qu’aux pratiques de charité, à visiter les malades, à soulager les pauvres, consoler les affligés et à faire tout le bien qu’il pouvait. » Vous voyez ! Une vraie graine de saint. Par ailleurs, il se singularise par son lien familial avec Samson. Saint Samson de Dol que nous avons déjà rencontré, était son oncle, par sa mère sans doute. Très vite il veut suivre l’exemple de Tonton et il semble que pour une fois, le père n’y a pas vu d’inconvénient, il l’a laissé rejoindre Samson lui attribuant la charge de son éducation.
Dom Lobineau poursuit : « Samson charmé de la pureté des mœurs, de la candeur, de la droiture, de l’ingénuité de ce jeune parent, le reçut avec joie et l’adopta pour son fils spirituel. »
Et quand Samson décide de traverser la Manche pour s’installer en Armorique, Mévenn fait évidemment partie du voyage, avec Magloire, un autre de ses tontons.
Je passe sur leur installation à Dol puisque j’ai abordé cet épisode dans une vidéo sur Samson.
Ils prêchent, gèrent, défrichent, convertissent, font des miracles, tout comme d’hab’. Pour l’instant, pas de dragon à l’actif de Mévenn, mais ça viendra.
Un jour, Samson l’envoie en Vannetais rencontrer Waroc pour une mission diplomatique. Et là, l’histoire s’embrouille. Quel était le but du voyage de saint Méen ? Certains disent que c’était dans le cadre d’un litige avec Conomor. L’affreux Conomor, Conomor le Maudit, que nous avons croisé à propos de Judicaël. Je vous rappelle rapidement l’histoire : Conomor est accusé d’avoir tué le roi Iona de Domnonée (sur la côte nord de l’Armorique), d’avoir épousé sa veuve, de s’être arrogé le titre de régent en prétextant de la jeunesse de Judicaël, fils de Iona, et finalement d’avoir refusé de lui restituer son trône le moment venu. Dans la Vita de saint Méen, c’est à une autre sordide histoire que Conomor est mêlé. Il aurait décapité Triphine, fille de Waroc, parce qu’elle était enceinte, il tuait ses femmes dès qu’elles étaient enceintes, mais heureusement saint Gildas aurait recollé la tête de Triphine. Et donc, saint Méen était envoyé par Samson auprès du père pour obtenir confirmation des circonstances du forfait et ainsi donner des arguments vérifiés à Samson pour sa visite à Childebert, roi des Francs, fils de Clovis. L’objectif étant qu’il retire son soutien au vilain et l’accorde au jeune prince Judicaël. Cependant d’autres versions, dont la Vita Sancti Meuenni dont on ne connaît pas trop la date de composition, indiquent que Mévenn était chargé de récolter des fonds pour la construction de l’église de Dol. Ce qui est également remis en cause par d’autres historiens, affirmant que Samson avait bien assez d’argent avec ce que lui donnaient Childebert qui l’appréciait grandement et Judicaël redevenu roi grâce à lui. En outre, il est particulièrement difficile de faire coïncider la chronologie de Samson avec celle de Waroc, donc… on n’en sait rien. Ce qui n’empêche pas Méwenn de prendre son bâton pour traverser la forêt de Brocéliande en direction de Vannes.
Or, en chemin, il est abordé par un certain Caduon, un riche et pieux seigneur gallo-romain, nous assure Dom François Plaine, je vous mettrai le lien vers la bibliographie sur mon site.
Le seigneur Caduon possédait à peu près toutes les terres arrosées par le Meu, une rivière de Bretagne qui coule en Ille-et-Vilaine et dans les Côtes-d’Armor, ce qui constitue un riche domaine, et, nous dit Dom Lobineau, ce seigneur était très pieux et persuadé que l’hospitalité Chrétienne attire de grandes bénédictions du ciel sur ceux qui l’exercent dans la seule vue de plaire à Dieu, aussi il se promenait ordinairement tous les jours le long de ses domaines, jusqu’à la petite rivière de Meu, pour chercher les voyageurs et les pèlerins ; il les emmenait, et les traitait avec beaucoup de charité dans sa maison. II eut de la joie de trouver saint Méen, quoiqu’il ne le connût pas.
J’imagine la surprise de Méwenn quand il a vu un vieux fou se précipiter sur lui et vouloir à tout prix l’emmener chez lui afin d’obtenir des grâces du ciel… « C’est qui le zinzin ? » a pensé saint Méen. Mais mon imagination est peu charitable car Caduon et Mévenn se sont si bien entendus qu’après une nuit de discussion théologique Caduon a fait promettre à Mewenn de repasser le voir lors de son voyage en retour de Vannes.
Mewenn a vu Waroc ou quelqu’un d’autre, on ne sait pas ce qu’ils se sont dit et visiblement ce n’est pas le sujet, car ce qui importe, c’est que Mewenn a tenu parole et que Caduon l’a adopté comme fils spirituel, et lui a donné DES TERRES, pour fonder un monastère. Là, on est dans le concret, on est dans le dur, car il s’agit, quelques siècles plus tard, de justifier les richesses des ordres religieux et en particulier ici celles de l’abbaye de Saint-Méen-le-Grand.
Mewenn retourne d’abord à Dol pour raconter à Samson le résultat de sa mission à Vannes et, pour la forme, lui demande s’il peut accepter les propriétés terriennes de Caduon qui lui propose un lieu pour construire son monastère tout de suite et plus tard d’hériter de tous ses biens.
Samson hésite : « Est-ce bien moral ? Est-ce que cela ne va pas spolier quelque héritier légitime ? Est-ce qu’on ne va pas déclencher une affaire médiatique ? Que ferait Jésus à notre place ? » Non, je blague, Samson a dit OK, fonce !
Et c’est ainsi que saint Méen est retourné chez Caduon à Gaël et qu’il a choisi un terrain qui semblait parfaitement convenir à la construction d’un ermitage, mis à part qu’il n’y avait pas d’eau. Ça, c’est un truc qui n’est pas un obstacle pour les saints bretons, Mewenn a pris son bâton, l’a planté dans le sol et une source a jailli. Et puis c’est tout. Et cette source… qu’est-ce qu’on peut en dire ? Oui, oui, c’est la source aux vertus curatives contre le mal saint-Méen, les dermatoses et la folie dont je vous ai parlé au début de cette vidéo.
La suite tout bientôt. En attendant, priez les saints bretons si vous voulez, pèlerinez si vous le sentez, et surtout portez-vous bien… Kenavo à tous.


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