Saint Corentin 1/2 – Texte de la vidéo

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Bonjour, c’est Lize.

Voilà, j’arrive à la fin de mon Tro Breiz, le tour des sept évêchés bretons. Pour ce dernier épisode, c’est saint Corentin qui nous reçoit dans sa ville de Quimper. Pour voir les vidéos sur les autres saints fondateurs bretons, vous pouvez cliquer sur la playlist qui s’affiche. J’avoue que je vois paraître avec une pointe de nostalgie les flèches de la belle cathédrale cornouaillaise, après ce compagnonnage d’une année avec saint Pol de Léon, saint Tugdual de Tréguier, saint Brieuc, saint Malo d’Aleth, saint Samson de Dol et saint Patern de Vannes. Corentin clôt la boucle, le cercle magique de nos saints parfois historiques, souvent très légendaires.

Les sources hagiographiques, c’est-à-dire les textes qui racontent la vie des saints, sont peu nombreuses concernant Corentin et souvent incohérentes du point de vue de la chronologie. Mais, si vous le voulez bien, glissons-nous dans la fiction entretenue par des générations de moines, d’abbés et de curés, pieusement reçue par autant de générations de paroissiens emplis d’une affection respectueuse pour leur saint patron.

D’ailleurs, j’ai lu l’Avertissement au Lecteur d’Albert Le Grand, qui commence par « Amy lecteur », mais au vu de la suite, je ne critiquerai plus Albert. Voici quelques passages :

« Mon style, au reste, est simple et historique, autant que le sujet le peut permettre. S’il ne vous semble assez élégant, je vous réponds pour excuse, que le français m’est comme étranger, étant […] natif de Morlaix, ville située au cœur de la Basse-Bretagne, dont le langage naturel est le breton. »

[…] Plus loin :

« Enfin, pour dernier avis, je vous dirai qu’en ce siècle se trouvent des esprits bizarres et mal faits, à qui rien ne plaît, quelque perfection qu’il y ait ; esprits critiques et envieux, qui trouvent, comme dit le proverbe, à tondre sur un œuf. » […]

Et il poursuit :

« J’interdis absolument la lecture de ce livre aux athées, aux libertins, aux indifférents, aux rétiques, et à ces suffisants qui, mesurant la puissance de Dieu au pied de leurs cerveaux mal timbrés, se moquent des merveilles qu’il a opérées par ses serviteurs, et ne croient rien de ce qui passe la cime de leurs faibles entendements, voulant captiver la foi sous les lois de la raison. » […]

Waouh ! Quelqu’un avait dû le fâcher ! Je vous l’avais déjà signalé dans d’autres vidéos, les Bretons, faut pas les embêter.

Alors, laissons-nous plutôt porter par le flot de la légende, celui de la mer lorsqu’elle remonte et redescend dans la rivière de l’Odet, la « ria » ou « aber » de l’Odet.

Pour cette vidéo, je m’appuie essentiellement sur les Vies des saints de Bretagne d’Albert le Grand et sur la Vie inédite de saint Corentin, un texte ancien retrouvé et publié par Dom François Plaine.

Vous voyez, sur la carte, que Quimper est située à la pointe de la péninsule armoricaine. En aval, se trouve le port de Locmaria, aujourd’hui un quartier de Quimper. Les fouilles archéologiques attestent l’existence de Locmaria dès l’époque gallo-romaine. C’est là qu’est né Corentin selon Albert Le Grand vers 375 de notre ère, ou vers 460 selon Dom Plaine.

Ses parents étaient chrétiens, ils l’ont éduqué dans la foi chrétienne. Nous n’avons pas d’autres informations sur son enfance.

Très jeune, Corentin décide de se consacrer à Dieu, il devient ermite dans la forêt de Plomodiern, près du Ménez-Hom.

Pause miracle : épisode du poisson. Vous avez peut-être remarqué qu’on représente souvent saint Corentin avec un poisson à ses pieds ou dans les bras. Cela provient d’un prodige qui lui est attribué : alors qu’il était ermite dans la forêt et vivait dans la plus grande austérité, Corentin se nourrissait de peu. Un bout de pain parfois mendié et quelques herbes et racines sauvages lui convenaient très bien. Or, dans une fontaine magique près de sa hutte se trouvait un poisson.

Okay le générateur d’images IA est parti en délire. Faites mine de rien, ne lui accordez pas d’attention, il va se lasser. En attendant, je continue l’histoire. Voici ce qui est écrit dans la Vie de saint Corentin du IXe siècle :

Or, il remarqua bientôt dans la fontaine où il allait puiser journellement l’eau dont il avait besoin, un poisson qui semblait venir à sa rencontre, comme si Dieu le lui avait ordonné, un poisson qui paraissait rechercher ses caresses et se mettre à son service. C’est pourquoi le saint homme […] prit l’habitude, en venant puiser de l’eau à l’heure de son repas, de couper une tranche dans le poisson qui s’offrait au couteau avec tant de générosité. Il faisait ensuite cuire cette tranche et la mangeait en bénissant Dieu.

C’est à moitié gore cette histoire, non ? Le petit poisson qui s’approche tout gentiment en demandant des caresses et l’autre sort son grand couteau et s’en coupe une tranche ! Voilà une bonne histoire pour dissuader les petits enfants de s’approcher des gens qu’ils ne connaissent pas !

Mais, quand il revenait le lendemain, il trouvait le poisson aussi frais et aussi entier que si rien ne lui était arrivé. […] C’est assez dire que, par une faveur spéciale de Dieu, saint Corentin avait à ses ordres un poisson qui lui fournissait sa nourriture de chaque jour et n’en demeurait pas moins toujours entier et exempt de lésion.

Ça me rappelle la multiplication des pains et des poissons dans les Évangiles. Et la suite, avec le roi Gradlon, est plus proche encore du miracle de la multiplication des pains.

Bon, j’ai changé d’IA, mais ça ne s’arrange pas !

Un jour, lors d’une partie de chasse du côté de Plomodiern, le roi de Cornouaille se perd avec sa troupe dans la forêt. Ils arrivent par hasard près de l’ermitage de Corentin et comme ils ont tous très faim après leur journée passée à cheval, ils demandent à Corentin s’il aurait quelque chose à manger. Corentin répond qu’il a son poisson et il leur montre la fontaine magique. Tout le monde rigole, croit-il nourrir la troupe avec ce pauvre petit poisson ?Et bien sûr, quand Corentin en coupe une tranche et la donne à cuire au cuisinier du roi, cela suffit à rassasier tous les soldats car les parts se renouvellent sans fin. Gradlon et sa troupe sont épatés devant ce miracle, Corentin monte aussitôt d’un cran dans leur estime.

Aussi Gradlon s’empressa-t-il de se prosterner aux pieds de l’homme de Dieu, de l’entourer des marques de la vénération la plus profonde et de lui faire don pour toujours de son palais, des terres adjacentes, des forêts et tout ce qu’il possédait dans cette localité.

Je les adore, ces moines du IXe siècle, ils croient qu’on ne les repère pas avec leurs gros sabots ! « lui faire don pour toujours… » Ah, ils ne veulent pas qu’on vienne chicaner leurs terres et leurs richesses. On met la petite phrase discrètement dans la légende, et voilà, c’est écrit donc c’est vrai. Et le premier qui conteste ira en enfer, ou Dieu lui enverra un ange tape-dur ! Ça a marché jusqu’en 1789 la combine, après, moins.

Mais un des soldats veut vérifier si le poisson est vraiment magique. Il s’en coupe lui aussi une tranche… Certains ont dit que ce personnage indélicat était originaire du Pays du Léon. Mais bon, Cornouaillais et Léonards ne rataient pas une occasion de s’accuser mutuellement de tous les crimes. On ne va pas s’en mêler, ils s’uniraient pour nous tomber sur le poil. En tout cas, le miracle ne se produit pas, le poisson est mutilé, il va mourir. Corentin demande l’aide de Dieu et guérit le poisson. Puis il lui ordonne de quitter les lieux pour ne plus craindre la curiosité des gens. Voilà pourquoi le poisson magique n’est plus visible dans la fontaine Saint-Corentin à Plomodiern.

Cette fois, nous sommes carrément dans l’imitation de l’épisode du Nouveau Testament… ou plutôt « des » épisodes. Car en préparant cette vidéo, j’ai découvert quelque chose que j’ignorais : par deux fois Jésus a multiplié les pains ! Je croyais avoir reçu une éducation catholique assez complète, eh bien pas du tout ! Pour ceux qui ne sont pas allés au catéchisme, je vous raconte brièvement la story : petit à petit, une foule s’était amassée pour suivre Jésus partout et le voir guérir les malades. Mais au bout d’un moment, ils se retrouvent tous dans un lieu désertique sans rien à manger. Impossible de les renvoyer chez eux, ils n’auraient pas la force de parcourir la distance. Les apôtres sont bien embêtés. Alors Jésus demande : « Qu’est-ce qu’on a qui pourrait se manger ? » – « Eh ben, il y a un gars qui a encore cinq petits pains et deux poissons… » – « Apportez-moi tout ça ! » dit Jésus. Il lève les yeux au ciel, rend grâces, bénit les paniers et envoie les disciples distribuer la nourriture à la foule. Et ils ont beau donner, donner, donner encore, les paniers ne sont jamais vides. A la fin, quand tout le monde est repu, Jésus dit « Rapportez les morceaux qui restent, on ne gaspille pas la nourriture ! » Ah ben dame, c’est sûr faut pas gâcheu ! Et on récupère douze paniers pleins ! Pourtant, dit saint Matthieu, chapitre 14, versets 14 à 21 « Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille hommes, sans les femmes et les enfants. » Heu… pourquoi les femmes ne comptent pas ?

Je croyais que c’était toute l’histoire. Pas du tout. Chapitre 15, versets 32 à 38, ça recommence. Cette fois avec sept pains et quelques poissons et à la fin on récupère sept paniers pleins. Or, récidive Matthieu, « ceux qui avaient mangé étaient quatre mille hommes, outre les femmes et les enfants. » « Outre » toi-même, Matthieu !

Il n’y a pas que saint Matthieu qui raconte cette affaire, les autres évangélistes aussi. Si ça vous intéresse et que vous n’avez pas une Bible chez vous, allez sur Wikipedia, cherchez « Multiplication_des_pains », vous trouverez les détails.

Plus tard, ce sont saint Patern et saint Malo, ou Melaine selon les versions, qui rendent visite à Corentin dans son ermitage. Là encore, Corentin doit trouver un moyen de les nourrir. Il n’a qu’un peu de farine. Il peut leur faire des crêpes. Certains affirment qu’il a procédé à la multiplication des crêpes ! Faut pas abuser, les Quimpérois, là quand même ! La multiplication des crêpes ! 🙂 Enfin, je vous laisse admirer le travail de Chat GPT et DALL-E, décidément très en forme en ce moment.

Mais revenons à la visite de Patern et Malo. La vérité, fact checkée celle-là, c’est que Corentin va puiser de l’eau à la fontaine et qu’à son retour il découvre dans le seau des anguilles et que l’eau est changée en vin. Avec cela, il peut cuisiner un bon plat pour ses invités et leur servir un excellent vin. Tout le monde a été content, sauf les anguilles mais elles étaient tellement bourrées depuis leur séjour dans le seau qu’elles ne se sont rendu compte de rien. Et de nouveau, admirez les œuvres de Chat GPT en verve !

Heureusement que je termine avec Corentin mon tour des saints fondateurs bretons, parce que ça commence à partir dans tous les sens, cette histoire.

Si la technique de transformation de l’eau en vin vous intéresse, reportez-vous aux Noces de Cana dans l’Évangile selon saint Jean, chapitre 2, versets 1 à 11.

Deuxième pause miracle : Corentin, lorsqu’il s’est fait ermite, était jeune. Non loin de son ermitage, dans la forêt de Névet, un autre ermite s’était retiré du monde. Il était très vieux et s’appelait Primel. Corentin passait le voir de temps en temps, ils étaient devenus copains, ils aimaient discuter de théologie pendant des nuits entières. Un matin, à l’aube, Primel veut préparer une boisson chaude pour son ami, mais il n’avait plus d’eau dans sa cabane. Il prend un seau et se rend vers la source. Le temps passe. En fin de matinée, alors que le soleil était haut dans le ciel, voilà Primel qui revient, grimpant la colline, essoufflé, boitant, en sueur… Corentin a un peu honte de l’avoir laissé faire le trajet à son âge au lieu de lui donner un coup de main. Alors, pour se faire pardonner, il prend son bâton, le plante non loin de la hutte de Primel et… vous avez deviné ? Oui, une source jaillit à cet endroit. Wouah, l’IA a un peu forcé sur la quantité d’eau mais ça semble bien réjouir Primel.

Voilà pour les miracles.

Pas de dragons, pas de sorcières pour Corentin. Vous noterez que ni Patern ni Corentin n’ont fait disparaître de dragons dans les flots, contrairement aux saints de la côte nord. J’en conclus que les dragons préfèrent l’eau plus fraîche de la Manche. Ils ne se plaisent pas sur la côte sud. Vous savez qu’en Bretagne quand on dit « la côte sud », il ne faut pas imaginer la Méditerranée et ses calanques mais le sud « de l’Armorique », l’océan Atlantique et ses rochers. En tout cas, les dragons n’aiment pas y traîner. Avaient-ils peur d’être embarqués par le Gulf Stream ?

Ou alors, laissons filer notre folle imagination, peut-être que les saints du Léon et de la Domnonée, originaires du Pays de Galles, avaient importé leurs légendes insulaires ? Tandis que Patern et Corentin, qui étaient là avant l’arrivée des Bretons, n’avaient même pas imaginé qu’on puisse convertir des païens avec des histoires de dragons. Je ne sais pas !

Je vous laisse y réfléchir jusqu’à la prochaine vidéo sur la suite de la vie de Corentin.

A suivre… à très bientôt.



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