La dernière fois, nous nous sommes arrêtés alors que Samson se rendait à Paris pour rencontrer le roi franc Childebert.
Vous vous rappelez peut-être qu’il est né au Pays de Galles, qu’il y a été moine, prêtre, puis évêque, qu’il a passé un moment en Cornouailles insulaire avant de traverser la Manche et de débarquer à Dol, accompagné de quelques moines. Parmi ces derniers, se trouvait son cousin Magloire qui deviendrait son successeur à sa mort.
Comme il avait guéri la femme et la fille d’un homme qui l’attendait sur la côte, averti de son arrivée par une inspiration divine, celui-ci lui donna la terre qu’il choisirait sur son domaine. Au bout d’un moment, Samson et ses moines ont trouvé un endroit, près d’un puits plein de ronces et de broussailles, ils y ont construit un monastère, ce fut l’origine de la ville de Dol, qu’on appelle aujourd’hui « Dol-de-Bretagne » depuis un décret de 1924. Sans doute destiné aux étrangers inattentifs qui se croiraient à Dole dans le Jura.
En guise de réveil pédagogique, je vais vous raconter un petit miracle. Ils étaient installés dans leur monastère, quand une nuit au moment où ils chantaient les Matines, les lampes s’éteignirent, impossible de les rallumer, et tous les feux s’étaient éteints également. Pourquoi ? On n’en sait rien et ce n’est pas le propos ! Ce qui compte, c’est que Samson est entré en oraison et que les lampes se sont rallumées toutes seules et les flammes ont jailli dans les cheminées. C’est une histoire validée par Albert Le Grand.
Voilà pour l’amuse-bouche, à présent, passons aux affaires sérieuses : les relations politiques avec les Francs et la défense du patrimoine… des moines.
En Bretagne armoricaine, Conomor avait tué Iona, roi de Domnonée, épousé sa veuve et s’était décrété régent. Il refusait de se retirer pour laisser la place à Judual, fils de Iona et héritier légitime. La population disait que Conomor était un gros méchant, une sorte de Barbe-bleue qui tuait ses femmes successives dès qu’elles étaient enceintes, on le nommait Conomor le Maudit… « Conomor le Maudit », ça claque. Les hagiographes vantent le sens de la justice de Samson, sa compassion pour le peuple en souffrance, il était « ému de pitié ». Certes, mais son empathie avait très probablement ses limites, et s’il ne s’était pas agi d’un usurpateur cornouaillais, on ne sait pas s’il s’en serait mêlé. Judual était descendant direct de Riwal, originaire du Pays de Galles, comme Samson. Samson avait une stratégie politique simple : ce qui appartenait aux Gallois restait aux Gallois !
Le voilà parti pour rencontrer Childebert. En route, il fait quelques miracles afin que la rumeur le précède, comme le lui avait enseigné Illtud. En arrivant au palais du roi, il exorcise un très haut dignitaire possédé du démon. Encore une fois, je vous épargne les paroles ordurières du dignitaire sous l’emprise du diable. Il sort une fiole d’huile bénite, en répand sur le crâne, le visage et la poitrine du malheureux, et le guérit. Gros succès auprès des personnes présentes, on en informe Childebert qui le reçoit immédiatement.
Fort de son autorité thaumaturgique, Samson demande la libération immédiate du prince Judual afin de le replacer sur son trône.
« Nein ! » fait Childebert, ou quelque chose d’approchant.
Le moine prend son ton le plus diplomate, il parle au nom de Jésus-Christ puisqu’ils sont entre chrétiens, mais Childebert n’en a rien à faire, d’ailleurs les évêques bretons étaient considérés comme de dangereux dissidents par l’Église de Rome. En outre, le roi ne fait passer la religion avant la politique que quand il y va de son intérêt. Or son intérêt c’est que Conomor continue de sécuriser les côtes de Bretagne, tandis que Judual, lui, ne dispose pas d’armée. Samson y met pourtant beaucoup de douceur et surtout de persévérance. Il est breton, il ne lâche pas facilement. Mais, ayant épuisé toutes ses ressources d’affabilité, la réponse en face étant de plus en plus sèche et quasi outrageante, soudain la colère le prend, il donne un grand coup de bâton par terre (heureusement, le sol était dallé, sinon une source aurait jailli et ce n’était pas le moment pour les pitreries), il se dresse face au roi, le maudit, lui et toute sa race, le menace de n’engendrer que des dégénérés s’il ne lui accorde pas la libération de Judual et il sort, furieux.
La cour du Franc s’inquiète. Offenser un saint, un Breton irascible doté de pouvoirs magiques… ils évoquent les sept plaies d’Égypte de la Bible. Samson n’est certes pas Moïse mais il dispose d’un pouvoir de nuisance certain. Alors Childebert lui fait savoir que lui et la reine Ultrogothe l’invitent à dîner. Quelque chose dans le nom de la dame ne lui inspirait pas confiance.
De mon côté, quand j’ai lu le nom d’Ultrogothe, je l’ai imaginée enveloppée dans un long manteau de cuir noir, des grosses godasses, un collant déchiré aux genoux, des paupières et des lèvres noires, des tatouages partout, un collier de molosse et un piercing quelque part. Eh bien, si on en croit les hagiographes , c’eût été un moindre mal.
Car, à peine était-il assis à la table royale, qu’on lui apporte une coupe de vin. Mû par un réflexe, il fait un signe de croix dessus. Et au moment où le serviteur la pose, elle lui explose entre les mains et il y a tant de poison dedans que la main qui tient la coupe éclate jusqu’à l’os. Une sale blessure vraiment. Bah, il l’avait cherché.
Ah, voilà notre chère santez Anna.
Samson. – Salut Anna, ma grande, comment va la patronne ?
Anna. – Ben, oui, ça va.
Samson. – Je suis content de te voir. D’où arrives-tu ?
Anna. – De chez Malo.
Samson. – Quelqu’un m’a dit que tu faisais un Tro Breiz ?
Anna. – Oui, c’est ça.
Samson. – Assieds-toi près de moi. Tu veux boire quelque chose ?
Anna. – J’veux ben un verre d’eau.
Samson. – Tu ne préfères pas une bolée de cidre, j’en ai aussi ?
Anna. – Non, merci, plus tard peut-être.
Samson. – Tu es malade ?
Anna. – Ben, j’avais oublié que les humains avaient un foie !
Samson est mort de rire.
Samson. – Elle a la gueule de bois, la déesse mère !
Anna baisse la tête piteusement.
Anna. – Un peu.
Samson se lève et lui sert de l’eau.
Samson. – Tiens, ça va te faire du bien.
Anna. – Merci, mon gars.
Elle boit.
Samson. – As-tu faim ?
Anna. – Non, merci, ça va. Sur la route, les gens m’ont donné à manger. Ils m’ont parlé de toi, de la restitution de Judual sur son trône. Ils ont l’air content.
Samson. – C’est ce que la dame, ici, était en train de raconter.
Anna se retourne.
Anna. – Ah ! Bonjour madame.
Samson. – On en était à ma rencontre avec la reine des Francs.
Petit à petit, Anna est de plus en plus agitée.
Anna. – Laquelle ?
Samson. – Ultrogothe, la femme de Childebert, une Wisigothe je crois.
Anna. – Alors, elle est comment ?
Samson. – Tu sais, avec le temps, je n’existe que par mes hagiographes. Alors, selon celui de ma Vita prima, Ultrogothe était une très méchante reine, soudoyée par des cadeaux somptueux de Conomor. D’autres ont dit qu’elle était tombée amoureuse du jeune prince et que c’était la raison pour laquelle elle s’opposait violemment à son départ…
Anna. – Une cougar ?
Samson. – Une quoi ?
Anna. – Quoicoubeh !
Quoicoubeh ! Quoicoubeh ! Quoicou-quoicou-quoicoubeh ! Quoicoubeh !
Elle se tortille en chantant. Samson la regarde, sidéré…
Samson. – Va falloir que tu arrêtes l’eau, Anna, c’est pas bon pour toi.
Anna. – Oh, c’est une expression du XXIe siècle, une mode de gamins, ils répondent « Quoicoubeh » quand quelqu’un dit « quoi ». Quant à « cougar », on disait ça des femmes qui s’intéressent aux hommes beaucoup plus jeunes qu’elles.
Samson reste perplexe.
Samson. – C’est effectivement ce dont on a accusé Ultrogothe. Mais les historiens ne sont pas du tout d’accord avec cette réputation. Il n’en reste pas moins que selon la légende, j’ai guéri la main du serviteur, ce qui a impressionné Childebert, qui a accepté que j’aille voir Judual, alors la Gothe m’a fait donner un cheval fougueux qui jetait tous ses cavaliers par terre, je l’ai apprivoisé d’un signe de croix et j’ai terrorisé un lion qui est tombé raide-mort.
Anna. – (très exhubérante) Trop fort !
Samson, impassible, se lève sans un mot et va chercher une bolée de cidre.
Samson. – Tiens, bois ça !
Anna boit une gorgée.
Anna. – Hum ! C’est bon !
Samson. – Devant ma démonstration de pouvoirs, Childebert a promis que je pourrais partir avec Judual et qu’il me soutiendrait contre Conomor.
Anna est plus calme.
Anna. – En chemin, j’ai entendu une autre version. On disait qu’en fait tu avais été un fin négociateur et que tu avais fait valoir auprès de Childebert l’intérêt qu’il aurait à prendre le parti d’un prince gallois, qui lui vouerait une reconnaissance sans faille et ne remettrait pas en question la suprématie des Francs sur l’Armorique. Surtout, avec vos liens familiaux outre-Manche, à Judual et à toi, cela permettrait à Childebert de prétendre avoir de l’influence jusque sur la Grande-Bretagne.
Samson. – Hum ! C’est plausible.
Anna. – Plausible mais moins épique que la version de la Vita.
Samson. – Attends, il reste le dragon.
Anna. – Tu as encore tué un dragon ?
Samson. – Childebert me l’a demandé si poliment que je n’ai pas pu refuser. (moqueur) Imagine le fils du terrible Clovis, tout doux, dans ses petits souliers : « nous avons appris à ton sujet que tu as déjà été vainqueur dans une affaire semblable et c’est pourquoi nous souhaiterions, si cela ne devait te causer aucun tort, que tu nous en débarrassasses. » On était loin du « Nein » initial !
Anna. – Je comprends, maintenant pourquoi il n’y a plus de dragons. Vous les avez tous zigouillés. Tu as utilisé la méthode de l’étole ou celle de la ceinture, cette fois ?
Samson. – Le manteau.
Anna. – Ah, oui ?
Samson. – J’ai tenté d’être magnanime. Je ne l’ai pas fait mourir directement, je l’ai traîné en laisse jusqu’à la Seine, en chantant un psaume, puis je lui ai juste fait traverser le fleuve et lui ai ordonné de rester sous une pierre. Au final, ça n’a pas changé grand-chose, parce que quelques années plus tard il a voulu ressortir, et là, pas de pité, je l’ai envoyé se noyer dans la mer, comme les autres, mort sur-le-champ ! Après le coup du dragon, le Franc n’en pouvait plus de pâmoison, j’étais un héros, son Siegfried personnel ; pour me remercier il m’a donné les terres d’où j’avais chassé le dragon, il y a fait construire un monastère, c’est lui qui payait.
Anna. – C’était où ?
Samson. – A l’abbaye de Pentale, mais elle a été détruite, il reste des ruines à Saint-Samson-de-la-Roque.
Anna. – Et Judual ?
Samson. – Eh bien, j’ai laissé des moines superviser et gérer l’abbaye de Romanie…
Anna. – De Roumanie ?
Samson. – ROmanie, c’est-à-dire chez les Francs. En Armorique, c’est tout ce qui n’est pas breton.
Anna. – Et c’est où, la frontière des pays bretons ?
Samson. – Ça dépend des siècles. Au mien, au VIe, tu traces en gros une ligne entre Dol et l’embouchure de la Vilaine, à l’ouest, c’est breton, à l’est, c’est la Romanie.
Anna. – Ah, bon ? Rennes n’est pas en Bretagne ? Nantes non plus ?
Samson. – C’est quand même pas ma faute si on n’a pas envahi ces pays-là. Tu reconnaîtras que j’ai fait de mon mieux.
Anna. – Je n’y comprends plus rien ! Bah, ça ne m’intéresse pas vraiment ces histoires de breton ou pas breton ! Mais explique-moi quand-même, rapidement.
Samson. – Eh bien, au VIe siècle, la « petite Bretagne » est la partie de l’Armorique où se sont installés les gallois et les cornouaillais venus de Grande-Bretagne, ils parlent breton : Domnonée au nord, Cornouaille à l’ouest, Vannetais au sud, et encore, Vannes n’est devenue bretonne que quand elle a été investie par Waroc en 578. Mais de mon vivant, les Bretons n’avaient colonisé ni le pays rennais ni le nantais. On n’y parlait pas breton.
Anna reste dubitative.
Anna. – Arrête ! Tu m’embrouilles. Rennes, avec son Parlement de Bretagne et Nantes avec son château des Ducs de Bretagne !
Samson. – Oui, bien sûr, tu as raison. Mais plus tard ; avec le roi Nominoë et ses descendants, au IXe siècle. Les rois bretons ont acquis Rennes, Nantes, et même à un moment ils régnaient sur le Cotentin et l’Avranchin.
Anna. – Alors le Mont-Saint-Michel était en Bretagne ?
Samson. – Je ne comprends pas pourquoi on fait toute une histoire de ce failli cailloux qui ne demande qu’à s’ensabler dès qu’il le peut ; et qui doit coûter la peau des fesses en entretien.
Moi, ça m’est égal qu’il soit normand, il est juste à côté de chez moi, j’y vais quand je veux. En revanche, quitte à revendiquer, je préférerais qu’on réclame Jersey et Guernesey, que Childebert m’a données avant qu’on quitte Paris. De belles petites îles, bien propres et bien riches, qui produisent du bon lait et des bonnes pataches, c’est autre chose qu’un vieux rocher.
Anna. – T’es pas un peu de mauvaise foi ?
Samson. – Jamais !
Ils rient.
Anna. – Tu y tiens, à tes îles !
Samson. – Elles sont à moi. J’y allais régulièrement. Il y a même un épisode raconté dans ma Vita secunda qui se passe à Guernesey…
Anna. – Mouais, je connais l’histoire, et moi, à ta place, je ne m’en vanterais pas trop : convertir des gamins en leur donnant des piécettes d’or, c’est à la portée de n’importe qui.
Samson. – Il n’empêche qu’ils ont arrêté de fêter les calendes de janvier, avec leurs débauches et leurs courses de chevaux.
Anna. – Ah, c’est pour ça que vous, les saints celtiques, vous obstinez contre les courses de chevaux, c’est parce que c’est un rite païen ! Ben, je ne voudrais pas te décevoir mais que ce soient les ripailles du Nouvel An ou les courses de chevaux, vous avez plutôt raté votre coup. Les traditions païennes ont la vie dure.
Samson. – (fâché) Ils ont recommencé ?
Anna. – Ah, on dirait ben, sinon j’sais pas à quoi leur sert le Channel Islands Horseracing Authority.
Samson. – Comment dis-tu ?
Anna. – Si mon anglais n’est pas défaillant, c’est la Société des Courses de Chevaux des îles Anglo-Normandes…
Samson. – Ah, les salauds ! Et en plus, ils parlent la langue de l’envahisseur !
Il donne un grand coup de bâton sur le sol.
Anna. – Tu ne savais pas ? Ça fait un moment pourtant.
Samson. – Et pour les calendes ?
Anna. – Eh ben… si tu fais un tour sur Internet, tu trouveras plein de « things to do » des choses à faire pour le « New Year’s Eve » ! Et pas des retraites de prière, je te le dis !
Samson. – C’est quoi, ce « Niouyeuziv » ?
Anna. – Les calendes de janvier. Arrête avec ce bâton, tu vas faire jaillir une source. Raconte-moi plutôt comment ça s’est terminé pour Judual.
Samson. – (d’un ton sec) On a quitté Childebert, pris la mer, débarqué à Guernesey. Là, on a levé une armée. Quand le peuple de Domnonée a su que Judual était libre et prêt à intervenir, ils sont venus le rejoindre, Judual a débarqué sur la côte armoricaine, et après plusieurs batailles, il a tué Conomor. Fin du règne du tyran.
Anna. – Bravo. Judual pouvait t’être reconnaissant.
Samson. – (il s’adoucit) Il l’a été. Il a fait de Dol un évêché, et m’a donné autorité sur tous les autres évêchés de Bretagne. Judual a régné en paix et en bonne entente avec Childebert. Mais après, les relations se sont tendues avec les autres rois Mérovingiens.
Anna qui commence à ne plus être attentive se lève et se prépare à repartir.
Anna. – Il y a quand même un truc que je ne comprends pas dans cette histoire. Si la Domnonée était un royaume double, de part et d’autre de la Manche, qu’en Grande-Bretagne la Domnonée couvrait la Cornouailles et le Devon, pourquoi est-ce que l’usurpateur en Armorique c’était le cornouaillais, Conomor, et pas Riwal, le gallois ? Mais bon, je n’ai plus le temps, je reviendrai te voir. J’ai un bon bout de chemin avant d’arriver chez Patern.
Samson. – Tu passes par où ?
Anna. – Je vais traverser Brocéliande.
Samson. – Tu peux t’arrêter chez Mewen, il sera content de te voir.
Anna. – Il ne fait pas partie du Tro Breiz, Mewen ?
Samson. – Non, l’abbaye de Saint-Méen n’est pas un évêché, donc elle ne compte pas dans le Tro Breiz.
Anna. – Ah, oui, bien sûr. Bon, mon Samson, merci pour tout. Avant de partir, je vais faire un tour dans Dol, j’ai vu qu’t’avais une ben belle église.
Samson, complètement déridé à présent, éclate de rire.
Samson. – Anna, vieille sorcière, tu ne respectes rien. Ce n’est pas une simple église, c’est une cathédrale. La cathédrale de mon évêché. Et même, Dol a été l’archevêché…
Anna l’interrompt brusquement.
Anna. – Ah, dame, tu vas pas commencer avec cette histoire !
Samson. – Oui, tu as raison. Mais entre dans la cathédrale, elle est vraiment belle, tu verras. (fièrement) Ils ont mis plein de statues de moi, et ne rate pas les vitraux qui racontent ma vie.
Anna sourit en bonne grand-mère.
Anna. – Mon Samson, tu ne changes pas. Allez, merci pour cette belle discussion et pour l’coup d’cit. A bientôt.
Samson. – Merci à toi, Anna, c’était un plaisir.
Anna. – Kenavo !
Samson. – Ken emberr, Anna !
Anna se retourne poliment.
Anna. – Au revoir, madame.
Lize. – Au revoir, Anna.
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