Bonjour, je suis Lize Kergonan, aujourd’hui je vous raconte la vie de Saint Malo d’Aleth, nommé également Maclou ou Maclaw. C’est le plus jeune des saints fondateurs de Bretagne. Aleth est aujourd’hui Saint-Servan, en Ille-et-Vilaine, Bretagne, près de… Saint-Malo. Il est né en 502 dans le Gwent, une région du Pays-de-Galles.
Les parents de Malo ne parvenaient pas à avoir d’enfant, sa mère avait soixante-sept ans quand elle l’a conçu. Cette fois, pas d’ange venant lui annoncer l’événement, pas d’ange Tape-dur pour inciter son père à se convertir. En revanche, sa naissance est originale : la veille de Pâques, sa mère est allée prier au monastère de Saint Brendan, avec trente-trois copines, enceintes elles aussi, et toutes ont accouché pendant la nuit. Trente-trois garçons ! C’est Brendan en personne qui a baptisé Malo.
A douze ans, il est allé à l’école du monastère, à Llancarfan. Il aimait étudier. Il préférait « la science des saints à la vaine philosophie des sages du monde ». C’était dans l’air du temps : le christianisme préférait la foi à la raison. C’est peut-être surtout que les Vies des Saints sont plus marrantes que la philosophie. Les trente-trois garçons nés la même nuit que lui étudiaient là également. Sa ferveur était si grande que malgré le froid l’hiver, alors que ses condisciples grelottaient dans leurs manteaux, il sortait en simple chemise « tant était véhémente la flamme du divin amour qui brûlait en son cœur ».
En tout cas, c’est ce qui est écrit. Mais il n’y a pas de raison de mettre en doute la parole de l’hagiographe
Brendan était un bon maître qui prenait plaisir à développer les connaissances et la foi de ses élèves et qui n’oubliait pas qu’ils étaient des enfants. Dès qu’il faisait beau, il les laissait jouer sur la plage au soleil. Un après-midi, Malo s’est assoupi sur un tas de goémon, entre des rochers. A la tombée du jour, ses camarades sont rentrés au monastère. Brendan a remarqué son absence mais personne ne savait où il était. Alors Brendan s’est inquiété, il s’est rendu sur la plage et n’a pas vu l’enfant. La mer était haute. Il a imaginé le pire : que le petit avait glissé sur les rochers, qu’une vague l’avait emporté. Il est rentré au monastère, dévasté, et il a prié toute la nuit.
Mais Malo n’était pas mort !
Il avait dormi si profondément qu’il n’avait pas entendu la mer monter et l’entourer. Cependant, loin de le submerger, l’eau avait délicatement soulevé le goémon et la parcelle de sable sur laquelle il était étendu. Quand il s’est réveillé, il était au milieu de la mer sur une petite île, il y avait de l’eau partout autour. Il a prié Dieu de lui venir en aide.
Pendant ce temps, son maître priait dans sa chambre. Un ange lui est apparu. Ah… voilà l’ange. Il lui a dit : « Ne t’inquiète pas, l’enfant est hors de danger et de plus, Dieu a créé une île nouvelle pour le protéger. » Brendan était rassuré , il s’est reposé en attendant l’aube. Puis il est retourné sur le rivage et il a découvert Malo sur son petit îlot miraculeux, assis en train de louer Dieu. Brendan s’apprêtait à aller chercher une barque pour le ramener sur le rivage mais Malo se sentait si bien là qu’il a demandé la permission d’y rester en oraison toute la journée. Il ne lui manquait que son psautier. Brendan lui a dit que la distance était trop grande pour le lui faire parvenir, mais Malo a répondu de faire confiance à Dieu et de le déposer sur l’eau. Ce qu’il fit. Un nouveau paquet de goémon se plaça sous le livre, le souleva hors de l’eau et l’apporta, bien au sec. Ayant chanté toute la journée la louange de notre Seigneur, le soir, à marée basse, Malo rentra à pied sec au monastère.
Ses parents n’étaient pas très heureux de la tournure des événements : ils voulaient un fils pour gérer leur domaine, pas un faiseur de miracles. Ils ont décidé de le ramener à la maison. Il n’en était pas question. Malo a cité les Saintes Écritures : « Et ne donnez à personne sur terre le nom de père car un seul est votre père, celui qui est dans les cieux ! » Matthieu, 23, 9 ! Malin, le Malo ! C’est ainsi qu’il a pu se consacrer à la vie monastique.
Bon, ce n’était pas toujours idyllique. Ses camarades se montraient jaloux de sa relation privilégiée avec Brendan, et avec Dieu ! Ils essayaient de lui nuire par quelques farces. Par exemple, ils devaient chacun à leur tour allumer le feu dans la pièce commune avant le lever de Brendan. Un matin, prêt à remplir cet office, Malo s’aperçut que tous les tisons avaient été éteints par malveillance. Confiant en la grâce divine, il en prit quelques-uns sous sa chemise et se rendit dans la salle. Sur sa peau, les charbons étaient devenus incandescents et cependant ils ne l’avaient nullement brûlé. Il a allumé le feu…
Vous croyez que ça aurait calmé les autres ? Pas du tout ! Ils ont continué de l’embêter. Au point qu’un jour, Brendan a dit : « Bon, ça suffit, on part en voyage ! »
Les voilà embarqués, avec plusieurs autres moines, sur un « currach », une sorte de bateau léger fait de lattes de bois recouvertes avec des peaux de bœuf cousues. Ils sont partis sans but précis, à l’aventure, portés par la Providence. Brendan avait l’idée un peu fumeuse de trouver les Îles Fortunées. Ils ont navigué comme ça pendant sept ans… Au bout de sept ans, ils ont effectivement trouvé une île, mais elle n’était pas habitée par des Bienheureux. En accostant ils ont juste découvert un tombeau étonnant par sa longueur. Il contenait le corps d’un géant. Brendan a dit : « O Malo, demande au Seigneur ton Dieu de ressusciter l’homme qui est enterré en ce tombeau ! ». Pourquoi il ne l’a pas fait lui-même, pourquoi c’était le Dieu de Malo tout d’un coup, pourquoi ils avaient besoin de ressusciter ce mort-là ? On ne sait pas, mais Malo ne discutait jamais les ordres de Brendan. Alors il l’a ressuscité. Il a prié Notre Seigneur, en lui rappelant qu’Il l’avait fait pour Lazare, que ce serait gentil de sa part de recommencer, ça ferait plaisir à Brendan… et on a vu l’âme rejoindre le corps, ça a commencé à bouger dans le tombeau, le mort s’est relevé. C’était un païen qui s’appelait Milldu. Comme d’habitude quand ils rencontraient un païen, ils l’ont directement baptisé, puis ils lui ont demandé s’il connaissait les îles Fortunées. Il a dit qu’il avait vu des îles qui pourraient correspondre et proposé de les y conduire. Ils ont rembarqué, Milldu tenait le gouvernail. Mais une tempête s’est levée, des vagues violentes ont cassé le gouvernail, ils ont dérivé et le courant les a ramenés sur l’île du géant. C’était sûrement un signe de la Providence, donc ils ont débarqué ledit Milldu, l’ont renfermé dans son tombeau et sont partis en lui promettant de prier pour son âme. Pendant la nuit, un ange est apparu à Brendan selon lequel Dieu ordonnait de laisser tomber les îles et de rentrer au monastère. Tout ça pour ça ! D’un autre côté, ils n’étaient pas mécontents : sept ans de currach, ils n’en pouvaient plus.
Sur le chemin du retour, ils s’aperçoivent que c’est le dimanche de Pâques. « Un dimanche de Pâques, il faut célébrer une messe ! » dit Brendan. « Malo, mets ta chasuble et dis la messe ! » « Pourquoi ça tombe toujours sur moi ? » pense Malo. « Maître, on ne peut pas dire la messe sur ce currach instable ! » tente-t-il. « Tenez, regardez, une petite île ! » dit un moine. Bon, pas moyen d’y échapper, ils débarquent sur l’îlot et Malo commence à dire la messe. Mais voilà qu’au moment de l’Agnus Dei, le sol se met à trembler. Si violemment que les moines prennent peur et que Brendan y voit l’intervention du diable. Malo commençait à en avoir plus qu’assez de leurs gamineries. D’abord, ce n’était pas un diable mais une grosse baleine qui s’ébrouait ! Ils étaient installés sur son dos. Malo leur a dit de rembarquer sur le currach et qu’il les rejoindrait quand il aurait fini sa messe. A la fin, la baleine l’a porté doucement vers le bateau puis elle les a suivis un moment en jouant autour d’eux pendant qu’ils naviguaient.
De retour au monastère après sept ans de navigation, Malo a tout de suite repéré le changement d’ambiance. Les gamins casse-pieds étaient partis ou s’étaient transformés en moines studieux vivant pour l’étude, les travaux des champs et la prière, on respirait.
Brendan est mort et Malo a été nommé abbé-évêque du monastère.
Tout était calme, pas de guerre, pas de razzia, les Saxons ne s’approchaient pas. Un jour, alors qu’il travaillait dans la vigne, Malo a retiré son manteau parce qu’il avait trop chaud au soleil et il l’a suspendu à un arbre. Sans qu’il le remarque, un petit oiseau, un roitelet, a pondu des œufs dans sa capuche. Le soir, il a voulu reprendre son manteau. Mais quand il a vu les œufs, il a laissé le manteau dans l’arbre jusqu’à l’envol des oisillons. On en a fait toute une histoire, on y a vu une marque de sa sainteté, mais c’était la moindre des choses, pour quelqu’un qui ne souffre pas du froid !
Les moines vivaient dans cette ambiance champêtre du Pays de Galles, jusqu’au jour où…
J’ai oublié de vous dire que la mère de Malo, Deruel, était la sœur de Hamon, lui-même père de Samson de Dol. Ce dernier avait eu un rôle politique important auprès de Judual, le roi de Domnonée. Or Samson était mort depuis plus de dix ans quand Waroc, le roi du pays Vannetais, s’est mis à attaquer et piller les pays de Nantes et de Rennes. Judual préoccupé par la politique expansionniste de Waroc, a demandé l’aide de la famille de Grande-Bretagne. Il avait besoin d’un représentant du pouvoir religieux assez ferme pour le soutenir dans ses combats et ses négociations. On a pensé à Malo ! Malo, dont la gloire tenait à la célébration d’une messe sur un dos de baleine et à la protection des œufs de roitelet. Mais on ne discute pas plus les ordres de la famille que ceux de Dieu ou de Brendan, il a embarqué pour la Bretagne continentale. Il avait cinquante-huit ans.
La légende prétend que son père, opposé à cette décision de la famille côté maternel, refusa qu’il quitte le pays, interdisant à quiconque de le prendre sur son bateau sous peine de mort, mais un vaisseau l’aurait attendu, piloté par un ange, ou par Jésus en personne, en tout cas un beau jouvenceau resplendissant, qui l’aurait pris en charge et mené à bon port. Franchement ! Son père ! Il aurait eu au moins 125 ans ! Ils avaient une bonne longévité les Gallois de l’époque des saints, mais bon… Cela dit, effectivement le pilote de la traversée était un beau jouvenceau.
Dans la prochaine vidéo, nous retrouverons Malo à son arrivée en Armorique.
Kenavo !
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