Salut, c’est Lize. Aujourd’hui, je poursuis la vie de saint Samson de Dol.
La dernière fois, je me suis arrêtée après l’épisode de la guérison du moine mordu par une vipère. J’ai oublié de vous signaler que ce premier miracle est marquant dans la vie de Samson puisqu’encore aujourd’hui, on le représente souvent avec une vipère à ses pieds. Ce qui est plus discret que la baleine de Malo 🙂 ! Comme il n’avait pas pu résister à un accès de vantardise auprès d’Illtud à son retour des champs, celui-ci l’a envoyé prier dans l’église.
Au bout de sept jours de révolte contre cette injustice, sans manger et presque sans dormir, Samson a compris… disons qu’il s’est apaisé. Car, comme nous le verrons par la suite, il n’avait pas totalement perdu sa fierté ! Après cela, la confiance qu’il éprouvait envers son maître s’était développée et Illtud lui accordait plus d’attention encore qu’auparavant. Ses condisciples, ne s’en montraient pas jaloux, à part deux neveux d’Illtud qui ont commencé à s’inquiéter de la sincère amitié qui s’affichait entre le maître et son disciple. Leur mécontentement s’est aggravé quand l’évêque de Caër Léon, Dubric, est venu passer quelques jours au monastère et, sur proposition de l’abbé, a ordonné Samson diacre avec deux postulants à la prêtrise. Or, au moment où les trois moines s’agenouillaient devant l’autel, toute l’assistance a vu une colombe voleter dans l’église et venir se poser sur l’épaule de Samson.
Elle y est restée jusqu’à ce qu’il reçoive la sainte communion. Chacun y a vu la présence de l’Esprit Saint. C’en était trop pour les envieux ! Ils ne supportaient pas l’adulation dont il était l’objet.
Mais plus les louanges s’accumulaient, plus Samson s’imposait de mortifications. Il ne mangeait qu’un jour sur deux, ne se servait plus jamais d’un lit : il dormait à même le sol, appuyé contre un mur. On disait qu’il était sur la voie de la perfection.
Les deux neveux craignaient qu’Illtud ne fasse de lui son successeur à la tête du monastère. Ce n’était pas son souhait : il avait seulement envie de se consacrer à la relation avec Dieu, dans le silence, l’oraison, la contemplation. Les neveux étaient néanmoins inquiets. Ils considéraient que la charge d’abbé du monastère, la gestion des propriétés et leurs revenus leur étaient dus à la mort de leur oncle. L’un était prêtre, l’autre apothicaire-herboriste. Leurs espoirs étaient fondés sur une habitude assez « népotique » de l’époque au sein de l’Église : la transmission des charges aux membres de la famille et aux proches. Ce que Samson a d’ailleurs amplement pratiqué par la suite, comme nous le verrons. Mais je m’attarde sur des détails.
Les neveux se sont mis en tête de se débarrasser de lui. L’herboriste a concocté une tisane qu’il lui dédiait. A la différence de celles destinées aux autres moines pour soigner divers maux et dont l’une, nommée poivre des moines, était quasi imposée pour ses vertus anaphrodisiaques, celle qu’il lui a apportée devait calmer définitivement toute ardeur. Il l’avait testée sur le chat en versant quelques gouttes de la potion dans son lait, le pauvre animal, après un saut brusque, était mort instantanément. Comme il s’approchait, Samson, entrant dans son esprit, a deviné son intention. Il l’a laissé déposer le bol devant lui, et selon son habitude avant d’ingérer toute nourriture ou boisson, Samson a fait un signe de croix au-dessus. En même temps, ne le répétez pas, il prononçait intérieurement une formule qui annihilait les effets du poison, et accessoirement son odeur nauséabonde. Tout haut, il a prononcé la sainte parole de l’Évangile « s’ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur fera point de mal », Marc, 16, 18. Puis, calmement, il a bu le contenu jusqu’à la dernière goutte. Avec un air de gratitude, il a dit à l’apothicaire : « Délicieux ! Je te remercie, mon frère, puisse Dieu, en retour, te délivrer du mal qui te ronge. » Devant ce prodige, le méchant s’est repenti. Mais son frère, le prêtre, restait inflexible et envieux.
« Bon, il faut en finir ! » a pensé Samson. Le dimanche suivant, il disait la messe, le mauvais prêtre l’assistait et au moment où Samson lui a tendu le calice… « le diable s’empara de lui ! » Il s’est mis à proférer des horreurs, à émettre des pets… déshonorants, il roulait par terre, se souillait dans ses excréments immondes, se mordait et s’arrachait les lèvres à pleines dents… Samson s’est approché de lui, a fait un signe de croix et l’a aspergé d’eau bénite. L’autre s’est calmé et a avoué publiquement son crime. Samson lui a accordé le pardon, ainsi qu’à son frère et ils devinrent ses plus fidèles serviteurs.
Deux ans plus tard, l’évêque Dubric l’a ordonné prêtre. La colombe est réapparue.
Après son ordination, il se sentait investi d’une mission de pureté qui dérangeait les autres moines. Son attitude austère entrait en conflit avec leurs dérèglements : bientôt on l’a accusé d’être un donneur de leçons par ses jeûnes et sa sobriété. Il ne rechignait pas devant quelques verres de vin mais vraiment leurs beuveries bruyantes l’assommaient.
Ses hagiographes vantent sa chasteté « autant à l’égard du sexe masculin qu’à celui du sexe féminin ». Cela dérangeait aussi !… Il avait trop soif de rigueur. Illtud vieillissait, il ne parvenait plus à maintenir une règle stricte dans le monastère. Ou peut-être Samson était-il trop exigeant ? Il a senti qu’il devait quitter Llanilltud pour un lieu plus conforme à ses aspirations. Cependant il craignait de peiner son maître. Celui-ci a reçu opportunément la visite d’un ange durant son sommeil qui l’invitait à le laisser partir car c’était la volonté de Dieu. Samson avait passé vingt ans auprès d’Illtud.
Il a baisé sa main, et une image lui est revenue : celle de cette même main qui avait tenu la sienne et l’avait conduit au réfectoire quand il avait cinq ans, après le départ de ses parents. A présent, c’était lui qui tenait son épaule pour l’aider à marcher. Son maître, son cher maître.
Il est parti. Après quelques jours de marche, il a embarqué pour Ynys Pyr, l’île de Caldey.
Le monastère de l’abbé Pyron était situé sur cette petite île loin de la vie agitée, ce qui correspondait aux vœux de Samson. Pyron lui a indiqué sa cellule et Samson s’est lancé de toute mon âme dans la prière et les activités manuelles. Le soir, il emportait une petite lampe et passait une grande partie de la nuit à étudier et méditer sur les Saintes Écritures.
Jusqu’au jour où un messager a débarqué sur l’île pour l’informer que son père, Amon, l’appelait auprès de lui car il était près de mourir et voulait lui parler. Samson a obstinément refusé de quitter sa retraite. Il a invoqué les Évangiles à son secours : « Et n’appelez personne sur la terre votre père ; car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux.… », Matthieu, 23 :9. Mais cette fois, cela n’est pas passé.
L’abbé Pyron s’est indigné, il lui aordonné de s’y rendre sur le champ, « Car Dieu a dit : Honore ton père et ta mère ; Matthieu 15 :4 ! » Accompagné d’un jeune diacre, il a attelé un cheval et une voiture, et ils sont partis. Alors qu’ils traversaient en priant une immense forêt, ils ont entendu une voix sinistre à leur droite. Pris de terreur, le diacre a lâché le cheval, laissé tomber son manteau et a couru devant lui. Samson lui criait d’avoir confiance en sa foi, il essayait de le retenir, le diacre continuait de fuir.
Alors est apparue dans les airs une vieille femme hirsute, aux cheveux blancs, vêtue d’une cape et tenant dans sa main un épieu à trois pointes. Une théomaque ! Une ennemie de Dieu. Elle survolait la forêt et pourchassait le diacre. Samson a pris le cheval à la main, posé le manteau du fuyard sur le cheval, et s’est lancé à son tour dans la course ! Il a vite trouvé le fugitif à demi-mort et, au loin, il a repéré la théomaque qui courait ; il a crié : « Pourquoi fuis-tu, femme ? Tu vois, je suis un homme, comme celui que tu viens de terrasser ; si tu m’as jeté le même sort, me voici ; ne t’enfuis pas, je te rejoins. » Mais elle sentait qu’il n’avait pas peur et qu’il maîtrisait une magie plus forte que la sienne, elle essayait de fuir. Il a durci le ton : « Je t’ordonne au nom de Jésus-Christ de ne pas bouger d’un pas jusqu’à ce que je sois près de toi. » Quand il est parvenu à sa hauteur, elle tremblait de tout son corps et elle a laissé tomber son épieu. Il était très en colère : « Qui es-tu, méchante créature ? » Et elle : « Je suis une théomaque et je vis seule dans cette forêt. J’ai huit sœurs et ma mère vit encore, elles habitent dans une forêt plus lointaine. Je ne peux pas les rejoindre parce que j’ai été donnée à un mari dans ce pays mais mon mari est mort et je ne peux pas quitter cette forêt. » Samson a pensé : «Qu’est-ce que c’est que ce délire ? » Il lui a laissé une chance : « Es-tu capable de remettre en vie le moine que tu as frappé ? » Mais elle a répondu : « Je ne peux pas, je ne sais faire que le mal ! » Non, franchement, elle était trop stupide ! Elle aurait pu faire semblant ! Alors, il en a eu assez, il a dit : « Je supplie Dieu tout-puissant que tu cesses de faire le mal et, comme tu ne sais rien faire d’autre, que tu meures à l’instant. » Elle a fait un saut brusque sur le côté gauche, elle s’est écroulée, elle était morte. Cela n’a pas troublé Samson, la télémaque était un démon, une géante descendante des anges déchus d’avant le déluge, pas un être humain.
Il est retourné près de diacre qui ne respirait plus. Alors, suivant l’exemple d’Élisée, II Rois, 4, 34, il a mis sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains, il s’est étendu sur lui et il a imploré Dieu. Le corps du diacre s’est réchauffé, il a éternué sept fois puis il a ouvert les yeux. Il était sauvé. Quand il en a été capable, ils ont repris la route et au bout de trois jours de marche, ils sont arrivés chez Amon et Anna. Amon était dans son lit, malade. Quand il l’a vu, il s’est écrié : « Voici celui qui va sauver mon corps et mon âme ! » Il a demandé à toute l’assistance de sortir, à part Anna, le diacre et Samson. Et il a confessé publiquement le péché capital mortel qu’il n’avait jamais révélé.
On ne nous dit pas quel était ce péché, mais il devait être suffisamment grave pour justifier la pénitence d’Amon : inspiré par les douces paroles de sa femme, il s’est engagé à servir Dieu jusqu’à la fin de sa vie, il s’est fait tondre la tête, il a fait don de tous ses biens, à part une petite partie pour assurer le quotidien de la famille et il a entraîné ses enfants dans son engagement ; il a fait venir les cinq frères de Samson pour qu’ils soient voués à Dieu ; mais leur petite sœur, une toute petite fille, Samson a refusé de la consacrer à Dieu, car il voyait qu’elle serait une fille perdue. Cependant on pouvait la nourrir puisque, en tant que fille, c’était néanmoins un être humain. Pour les femmes, le salut était réservé aux vierges et aux veuves.
Et justement, dans la foulée, Anna a reçu le statut de veuve et elle en a montré une telle joie que ça ne m’aurait pas plu si j’avais été son mari ! Dans la liesse générale, Umbrafel, le frère d’Amon, et Afrella, la sœur d’Anna, se sont convertis aussi. Les quatre hommes, Amon, Umbrafel, le diacre et Samson, se sont mis en marche pour gagner le monastère de Pyron, tandis que les femmes partaient dans un couvent. Je ne suis pas sûre que j’aurais aimé vivre dans l’Antiquité tardive… Dans la première vidéo, je vous avais promis une histoire de dragon, la voici. Soudain, tandis qu’ils cheminaient, Amon a remarqué des traces d’herbes grillées sur le bas-côté. Tout de suite, il a su que c’était un dragon. Samson a dit aux trois hommes d’avoir foi en Dieu et de l’attendre, il n’en avait pas pour longtemps. Il a suivi la trace brûlée, et vu au loin le dragon à la crête flamboyante.
En avançant, il chantait un psaume, le dragon l’a entendu et a émis un sifflement de fureur. Ce qui n’arrêta pas Samson, il s’était bien attendu à un certain mécontentement de la part monstre. Celui-ci a arraché une motte de terre et la lui a lancée au visage. C’est ce qui est écrit dans la Vita. On s’attendrait à mieux de la part d’un dragon terrifiant. Samson a continué d’avancer, sûr de la protection divine, alors, furieux, l’horrible serpent pousse un cri affreux comme s’il était blessé mortellement, il se roule en boule, et se met à se ronger la queue avec ses dents furieuses ! Symbolisme mis à part, c’est un peu pitoyable comme réaction ! Samson le rejoint il martèle le psaume 135 : « Rendez grâce au dieu des dieux, éternel est son amour… » Tiens, il y a plusieurs dieux soudain ? En tout cas, le serpent est tétanisé par ce chant, le moine en profite pour tracer un cercle magique autour de lui, un bon signe de croix là-dessus, et il lui interdit de sortir du cercle. Sidérée par son aplomb, la bête obéit. Samson appelle ses compagnons pour qu’ils constatent la force du pouvoir divin : le serpent est incapable de sortir du cercle, ne serait-ce que la tête.
Mais la nuit approchait, Samson dit au dragon : « Il nous reste du chemin avant d’arriver à Ynys-Pyr, aussi soyons brefs : je t’ordonne au nom de Jésus-Christ de mourir immédiatement. » Le pauvre animal vaincu s’est dressé sur sa queue, a levé la tête dans le ciel, son corps a décrit un grand arc, il a vomi tout son venin et il est tombé sur le sol, mort.
Les quatre hommes ont remercié Dieu et au troisième jour de marche le groupe a atteint l’embarcadère pour Ynys-Pyr. L’abbé Pyron s’est réjoui de leur retour et a accueilli avec plaisir Amon et Umbrafel. L’évêque Dubric se trouvait également là pour y passer le temps du Carême pascal. Le diacre lui a fait le récit de leurs aventures… et… Ça, c’est ce que je vous raconterai dans la prochaine vidéo.
Alors, à bientôt et kenavo !
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