Texte de la vidéo – Saint Pol de Léon – 2/2

Dans la vidéo précédente, nous avons laissé Pol et ses compagnons au moment où un ange leur annonçait qu’ils devaient quitter l’île d’Ouessant pour aller plus loin. Les voilà donc repartis sur leurs barques, longeant les côtes du Léon, d’Ouest en Est, jusqu’au port du Kernic dans la paroisse de Plounevez

L’endroit était calme et agréable – enfin, « calme », c’était tout de même déjà un climat breton ! – et ils s’apprêtaient à y construire un monastère, quand Pol reçut un nouveau message : ce n’était pas encore leur destination. Les moines marchèrent, marchèrent jusqu’à un oppidum qui par la suite a pris le nom de Kastell-Paol, avant de devenir la ville de Saint-Pol-de-Léon. Étant donné que les indications de Dieu n’étaient pas des plus précises, quand ils ont croisé un berger, ils y ont vu un signe de la Providence et lui ont demandé qui dirigeait ce pays. Il a répondu que c’était le comte Withur, qui résidait sur l’île de Batz, face à Roscoff.

Pol s’y fit conduire et, afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur sa personne et ses pouvoirs, en chemin il rendit la vue à trois aveugles en les touchant de son bâton et la parole à deux muets d’une simple bénédiction. Arrivant sur l’île, un paralytique se trouvait fort opportunément là et il s’empressa de lui redonner toute sa mobilité. Évidemment, cela ne passa pas inaperçu et facilita ses relations avec le comte. Celui-ci les reçut aimablement et tandis qu’ils devisaient, des pêcheurs arrivèrent au Palais avec un saumon d’une taille étonnante qui, de plus, avait une cloche dans la gueule. Pol la reconnut tout de suite, c’était celle que le roi Marc lui avait refusée. Il éclata de rire devant ce prodige et quand le comte Withur en connut la cause, il lui fit don de la cloche.

C’est celle-là même qui se trouve dans la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon. Oui, c’est bien elle, ô mécréants incrédules ! On l’appelle « Hir-glas », « la longue bleue » !

Enfin, « bleue », c’est une traduction que j’ai trouvée un peu partout, mais d’abord elle n’est pas bleue du tout, et puis Arthur Le Moyne de La Borderie dans son Histoire de Bretagne la nomme la « Longue-fauve ». Je vous mets les références dans les infos si vous voulez vous procurer le livre sur Gallica. Il est vrai qu’étant faite de cuivre, elle est plus fauve que bleue. De toute façon, la traduction du « glas » gallois est « bleu » ou « vert » ou « gris »… ou « jeune »3 Bon, on ne va pas chicaner les Gallois qui ont bien le droit de nommer les couleurs des cloches comme ils veulent, sans compter que peut-être la cloche de Pol était effectivement bleue et que celle qui se trouve dans la cathédrale n’a rien à voir avec l’original. Ce qui compte, ce n’est pas la vérité ou la couleur, ce sont les miracles. Et ça, elle en faisait !

Une super cloche qui, quand on l’imposait sur la tête des malades, les guérissait de la surdité et des maux de tête ! Vénérée par les fidèles pendant des siècles ! Jusqu’à ce qu’un évêque s’y oppose en 1630 ! « Pratiques païennes », disait-il ! N’empêche, après un passage sous la cloche, les sourds entendaient et les maux de tête disparaissaient. On soignait le mal par le mal, peut-être, mais c’était efficace. On dit même qu’un jour elle a réveillé un mort ! Ah ! L’évêque jaloux de ces miracles qu’il a qualifiés de « pratiques païennes » juste parce qu’il n’était pas capable d’en faire autant, a seulement autorisé l’« osculation ». Pas l’auscultation médicale, l’ « os-cu-LA-tion », étymologiquement l’acte d’embrasser ! Bisous la cloche ! Finalement, tout a été interdit par l’Église de Rome, à peine a-t-on le droit de sonner la cloche au-dessus de la tête des fidèles. Pas touche ! On s’étonne, après, que le monde aille mal !

Revenons à la rencontre du comte Withur. Lui au moins ne doutait pas des miracles. Quand il a vu ce que faisait Dieu si Pol l’en priait, il lui a demandé s’il pourrait le débarrasser d’un méchant dragon, long de soixante pieds, couvert d’écailles, qui dévorait les hommes, les femmes et les bêtes des villages alentour. Pol n’avait pas de raison de lui refuser ce petit service. Aussi passa-t-il la nuit en prière et le lendemain matin il se mit en marche avec ses compagnons, armé de son bâton.

Il portait également une étole, une sorte d’écharpe, cadeau précieux de sa chère sœur et qui ne le quittait jamais. Le comte et le peuple les suivaient et leur indiquèrent l’endroit. Il s’approcha jusqu’à l’entrée de la caverne et ordonna au monstre de sortir de sa tanière. Ce qu’il fit. La bête roulait des yeux, battait des écailles, sifflait comme un vent de tempête déchaînée, croyant impressionner les hommes de Dieu. Mais Pol le regarda bien en face, et les yeux dans les yeux, profitant de son incrédulité, lui jeta son étole autour du cou, fit un nœud et le mena comme un toutou en laisse. Quand il s’arrêtait, il lui donnait un bon coup de bâton et tous deux repartaient.

Arrivés à l’extrémité Nord de l’île, Pol retira l’étole et ordonna au dragon de se précipiter dans la mer. Ce qu’il fit ! Si vous allez sur l’île de Batz, rendez-vous au lieu qu’on appelle « Toull-ar-Sarpant », c’est à dire, « le trou du Serpent », et écoutez comme la mer y fait un sifflement étrange.

Pour le remercier, le comte Withur lui donna son palais et toute l’île de Batz. Pol délaissa le palais et s’empressa de construire un ermitage. Pour plus de commodité, il fit jaillir une source d’eau douce en posant son bâton en terre. Avant de partir s’installer sur le continent, Withur lui offrit aussi un livre des Évangiles qu’il avait copié de sa propre main.

Après toutes ces péripéties, les habitants du Pays du Léon voulurent le faire évêque. Mais cette charge ne l’attirait pas plus qu’en Cornwall quand le roi Marc la lui5 avait proposée. Alors le comte eut une idée : il rédigea une lettre pour le roi Childebert, un Franc, fils de Clovis, et demanda à Pol de la porter à Paris. Il ne lui dit pas ce qu’elle contenait. Arrivé devant le roi, voilà que celui-ci, la missive à peine lue, lui colle une crosse d’ivoire dans les mains et des titres de propriété avec tous leurs revenus… Pol était surpris de cet accueil et découvrit que Withur suppliait Childebert, au nom de tout son peuple, de le sacrer immédiatement évêque de Léon !

A quel titre le roi des Francs sacrait-il les évêques, ça c’est de la politique, mes enfants. Disons que le pouvoir temporel s’était arrangé avec pouvoir spirituel romain et que Clovis ne s’était peut-être pas converti au christianisme sans négociation préalable.

Pol eut beau supplier Childebert à genoux, la larme à l’œil, de n’en rien faire, peine perdue, il était bel et bien évêque quand il retourna en Bretagne. Vers 530.

Ensuite, on l’installa sur le siège épiscopal, il fit construire des ermitages et des monastères… si vous regardez la carte de la Bretagne, tous les noms en « Paul », c’est lui. Il prit encore le temps d’exterminer un pauvre dragon qui terrorisait la population du Faou, puis l’âge venant et un ange l’ayant averti de sa mort prochaine, il se prépara pour de grandes vacances éternelles. Il repartit sur l’île de Batz et se consacra entièrement à la prière. Quand le jour arriva, tout le monde pleurait ! Tant d’années passées à leur parler du Créateur et ils ne comprenaient toujours pas que mourir était source de joie. Pol eut un sentiment d’échec mais après tout, les moines et les paroissiens verraient tout cela avec son successeur. Il avait 102 ans, c’était en 594. Ou alors, c’était en 572 selon d’autres historiens. Ou alors « vers la fin des années 500 », on n’en sait rien. En tout cas, c’était un 12 mars ! Ça, on en est sûr ! ☺ Comment on en est sûr ? Parce que c’est le jour de la Saint Pol de Léon, et puis c’est tout.

On lui fit une belle messe d’enterrement dans l’église du monastère de Batz et il croyait en avoir fini. Mais le nouvel évêque Léonnois se présenta et ordonna qu’on portât son cercueil sur une barque pour le ramener et l’inhumer sur le continent.

Cela fit grand bruit et grande chamaillerie. Les moines et les habitants de Batz s’y opposèrent et menacèrent les continentaux de leurs bâtons disant qu’il était mort chez eux et qu’il y resterait ! Les autres répliquèrent qu’il avait été leur évêque et qu’il était normal qu’il soit inhumé dans sa cathédrale.

Le nouvel évêque eut alors une idée originale : il fit amener deux chariots couverts, chacun tiré par un couple de bœufs, les disposa cul-à-cul, l’un orienté vers le monastère de Batz, l’autre vers la cathédrale sur le continent. On mit le cercueil à califourchon sur les deux chariots et on décréta que le saint corps déciderait par lui-même de l’endroit où il voulait reposer. Cette mascarade commençait à sérieusement agacer notre saint, tout mort qu’il était, il disparut avec son cercueil au grand étonnement de l’assemblée. Les bœufs ne s’en inquiétèrent pas et l’un des chariots se dirigea vers la barque, l’autre vers le monastère. Arrivés à destination, ils contenaient chacun un cercueil. Les moines de Batz ouvrirent le leur, il était vide. L’évêque et le peuple du Léon ouvrirent le leur et trouvèrent le corps. Tout contents, au milieu des cris de joie, on lui refit une messe des morts, jamais on n’en connut de plus euphorique, et on le déposa dans une sépulture au milieu du chœur de la cathédrale.

Bien, à présent, les reliques…

Le problème, c’est que Pol continuait de faire des miracles pendant son séjour sous la dalle et que cela attirait les foules. Alors plus tard Saint Goulven fit sortir les ossements du trou et les plaça dans une châsse parmi les autres reliques et là, les Bretons et les étrangers purent se recueillir religieusement devant les restes du saint.

Jusqu’à ce que les Vikings se mettent en tête de ravager la Bretagne armoricaine, mettant le feu partout où ils passaient. L’évêque du moment pour sauver les reliques les transporta à l’abbaye de Fleury-sur-Loire. Là, on les disposa dans une très belle châsse, recouverte d’argent. Mais en 1562, les calvinistes qui abominaient le culte des saints et voulaient s’emparer de métaux précieux pour les transformer en monnaie, envahirent ce monastère, vidèrent les châsses et les emportèrent. Pour se débarrasser du contenu, ils jetèrent les reliques au feu.

Rassurez-vous, il en reste.

Avant la destruction des reliques de Fleury, le crâne, les os des bras et une phalange avaient heureusement été conservés ailleurs. Aujourd’hui, tout est dans la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, avec la précieuse cloche, « Hir-glaz ». Quant à l’étole, elle se trouve sur l’île de Batz.

Le soir, pour endormir les petits enfants, racontez-leur comment Pol a promené le dragon en laisse avec son étole et l’a fait avancer à grands coups de bâtons, ils sauront se défendre contre les monstres de leurs cauchemars.

Alors, à l’occasion, passez voir Pol dans sa cathédrale. Improvisez une petite prière, ça lui fera vraiment plaisir. Et rappelez-vous : quand on lui parle gentiment, il sait faire reculer la mer ! Par les temps qui courent, ça peut être utile !

Bisous !


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